Faut-il toujours un but?

Avoue, toi aussi tu l’as senti : ce moment où ce qui te faisait vibrer devient un objectif à atteindre. Un chrono. Une performance.

Et le plaisir dans tout ça ? Il s’est éclipsé, doucement. Sans t’en rendre compte, tu l'as troqué contre la performance. Un petit glissement. Presque invisible. Subtil, mais qui change tout.

Quand le plaisir s'efface derrière la performance

Il arrive souvent, au détour d’une conversation, d’entendre :
« J’ai repris la course. Je vise 5 km sous les 30 minutes. »
Ou encore : « Je fais du vélo, j’aimerais battre mon meilleur temps cette saison. »

C’est inspirant, ces objectifs. Ça donne une direction. Mais si on gratte un peu… il y a parfois autre chose : une forme de pression silencieuse. Le plaisir du mouvement se dissout peu à peu dans l’obsession de la performance. Ce qui était simple — courir, pédaler, nager — se transforme en tableau Excel : temps, distance, calories, podium...

Ce phénomène n’est pas limité au sport. En fait, il peut traverser à peu près tout ce que tu touches, à travers chacun de tes axes. Par exemple;

Corps : Manger devient une affaire de macronutriments et de chiffres, où un repas est jugé par sa capacité à sculpter le corps plus que par son goût ou son partage.
Intellect : Lire un livre? Ça devient une course au nombre de livres lus par année, une quête pour impressionner, plutôt qu’un pur plaisir d’apprendre.
Affectif : Cultiver des relations? Là aussi, parfois, la qualité des échanges passe après le besoin de « paraître » en couple parfait ou d’avoir un réseau impressionnant.
Spirituel : Acheter une voiture? Le choix s’oriente vers le prestige de la marque (égo) plutôt que sur un modèle qui répond à tes valeurs (âme).

La société moderne est si axée sur la performance qu’elle nous fait croire que chaque activité doit déboucher sur un résultat mesurable pour être valide. Courir juste pour sentir le vent sur la peau? Manger un gâteau juste parce qu’il est délicieux? Lire sans le publier sur LinkedIn? Presque une hérésie.

Pourtant, la science est claire : la capacité d’une personne à atteindre un objectif (et surtout à tenir sur le long terme) dépend largement du plaisir qu’elle trouve dans le chemin, pas juste dans le résultat final.

Edward Deci et Richard Ryan, chercheurs de référence en psychologie de la motivation, l’ont résumé ainsi :

« Quand une activité est pratiquée pour le plaisir ou l’intérêt inhérent, la motivation est dite intrinsèque. Ce type de motivation est celui qui soutient le plus longtemps les efforts et nourrit le bien-être. »

Autrement dit : la motivation intrinsèquecelle qui vient du plaisir d’accomplir la tâche en elle-même — est un carburant durable. À l’inverse, la motivation extrinsèque, qui repose sur des récompenses externes (argent, reconnaissance, médailles…), peut être efficace à court terme, mais elle s’épuise vite. Et elle laisse souvent un goût amer d’insatisfaction quand le résultat espéré n’arrive pas ou ne comble pas autant qu’on l’aurait cru.

C’est le cœur du problème : beaucoup poursuivent des objectifs non pas parce qu’ils aiment ce qu’ils font, mais parce qu’ils aiment l’idée d’avoir fini ou d’avoir gagné. Et c’est là que l’essoufflement survient.

Dans l’entrepreneuriat, c’est pareil : une entreprise bâtie uniquement pour les chiffres ou la valorisation financière risque d’user ses fondateurs bien plus vite qu’une entreprise où le plaisir du processus — créer, collaborer, résoudre des problèmes — reste vivant.

Alors la vraie question n’est pas :
« Quels sont tes objectifs cette année? »

Mais plutôt :
« Qu’est-ce qui te donne du plaisir à chaque pas vers cet objectif? »

Si c’est impossible pour toi de répondre à cette question, à toi de revoir ton objectif.

La joie comme discipline

C’est peut-être le bon moment pour revisiter cette dynamique : que ce soit dans ton travail, tes loisirs, tes relations ou tes projets personnels…

Où se cache le plaisir simple, brut, libre de toute pression?
Qu’est-ce qui allume encore cette petite flamme au quotidien?

Parce qu’au fond, la vraie réussite — celle qui dure — ne se mesure pas seulement à la ligne d’arrivée. Elle se ressent, profondément, à chaque foulée.

Alors, que le plaisir guide tes pas, sans pression, avec joie.

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C’est ok de ressentir…